Depuis juillet 2010, les violences psychologiques tombent sous le coup d’une loi. Le texte a créé le délit de «violences psychologiques au sein du couple» pour les «agissements ou les paroles répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’entraîner une altération de sa santé physique ou mentale».
Il reste pourtant bien difficile pour certaines femmes, pour un homme encore davantage peut-être, ou pour un couple qui se dit sans difficulté particulière, de se reconnaître dans cette situation.
Car une personne peut être victime de violence psychologique et/ou verbale sans s’en apercevoir, de même qu’on peut être agresseur sans s’en rendre compte.
Comment repérer ces violences et les hiérarchiser ?
Quels sont leurs effets sur le psychisme ?Comment s’en prémunir et les stopper ?
Distinguer la violence psychologique des violences verbales
Il est important dans un premier temps de distinguer et de hiérarchiser les types de violences.
De nombreux couples vivent la violence verbale en leur sein, sans atteindre la dimension d’une violence psychologique qui se caractérise par des pressions psychologiques aboutissant à un contrôle sur un des membres du couples ou réciproque. Cette pression psychologique est accompagnée le plus souvent de violences verbales, mais ce n’est pas systématique, l’influence pouvant s’exercer de manière plus pernicieuse.
A l’inverse dans de nombreux couples, la violence verbale est fréquente, banalisée alors que la dimension d’influence ou de maîtrise de l’autre n’est pas présente.
Parfois, cette violence verbale est plus difficile à cerner car les échanges sont peu conflictuels ou parce que la réconciliation arrive facilement, couvrant la difficulté par une amende honorable ou un oubli salvateur.
Sans être perçue comme violence psychologique, cette violence verbale est courante et hautement destructrice. Il semble important donc de l’identifier, d’en connaitre les effets et de travailler les racines de ce mécanisme.
La violence verbale est discrète mais destructrice
Et c’est justement le manque de repérage de ces petites violences vécues l’une après l’autre, qui les rend pernicieuses et qui conduit à ne pas se rendre compte de leur gravité.
La victime se dit, et on lui a souvent appris à se dire, que ce n’est pas si grave, voire qu’elle se fait des idées, que l’autre n’a pas vraiment voulu être désagréable, qu’elle en demande trop…
Ces mots s’inscrivent bien souvent dans la banalité des échanges du quotidien. « Tu es nulle, tu es bête, con, quelle andouille, ma pauvre fille, tu n’es qu’un pauvre type » sont des mots parfois lâchés …
« Casse-toi, dégage, tais-toi, ferme la » sont des injonctions également occasionnellement ou fréquemment échangés … sans que les partenaires s’arrêtent ou relèvent particulièrement la violence du vocabulaire ou la virulence émotionnelle du message.
Pourtant la répétition de ces agressions attaque progressivement la dimension individuelle d’un des membres, des deux parfois et abîme progressivement le couple.
Une personne à qui l’on parle mal, à chaque répétition, va se sentir cumulativement ou alternativement :
- blessé(e)
- humilié(e)
- pas reconnu(e)
- rabaissé(e)
- ignoré(e)
- moqué(e)
- dévalorisé(e)
- exclu(e)
- frustré(e) …
Même si la victime oublie, ou comme elle dit souvent « passe à autre chose », les mots, par leur répétition et leur connotation péjorative, humiliante ou rejetante, peuvent creuser des blessures émotionnelles (préexistantes ou nouvelles) et donner lieu, progressivement à une détérioration de l’estime de soi.
En réaction, deux stratégies psychiques peuvent se développer alors : un sentiment d’impuissance d’une part, qui aggrave alors la perte d’estime de soi et, d’autre part, une réaction défensive agressante envers l’autre.
Les mouvements d’oscillation entre ces deux extrêmes amènent à une culpabilité et à une sensation de perte de repères, de ne pas être dans le regard de l’autre, puis par voie de conséquence à ses propres yeux, la personne souhaitée, correcte, attendue.
L’agression verbale prive petit à petit l’individu de sa spontanéité, de sa joie, de sa vitalité, comme un feu qui s’éteint petit à petit.
La frontière est mince entre violence verbale et influence
Du point de vue de l’auteur des violences verbales, le risque est aussi, en cas de banalisation ou de non prise de conscience de ses effets délétères, de passer progressivement de la violence verbale à la violence psychologique, teintée de contrôle.
Car le glissement est facile entre l’utilisation de termes péjoratifs, la dévalorisation et l’expression d’une position paternaliste, voire d’un discours moralisateur. Cela peut prendre alors la forme anodine de commentaires vestimentaires « ah tu mets ça ? tu vas où comme ça ? », au contrôle des fréquentations par le commentaire négatif sur les amis relations ou sur la famille « ta mère est …, ta copine est stupide, ton copain est un nul … », voire même à une déqualification incapacitante « tu es complètement folle/fou, va te faire soigner… ».
La victime elle-même s’auto-dénigre et s’auto-censure rapidement, ce qui l’amène à internaliser le contrôle externe : « non il n’aimera pas que je … il va me trouver nulle si … ».
Repérer pour stopper sans dramatiser
L’idée n’est pas ici d’annuler tout conflit ni de stigmatiser les échanges d’avis mais de bien identifier ce qui peut être, lors d’un échange vif ou passionné, teinté de jugements négatifs, péjoratifs ou dévalorisants. Il est important alors d’en faire part à l’autre, de sensibiliser sur l’importance de mots et de leurs effets, dans le but d’éviter une banalisation et un glissement éventuel vers une emprise plus forte.
Il est essentiel de repositionner le couple comme un espace de confiance, de repos, de répit et qui ne peut pas être vécu sereinement si l’agression entre en jeu.
Une thérapie de couple, menée par un psychologue, psychanalyste, thérapeute familial ou thérapeute de couple, peut permettre de créer cet espace et d’accompagner les couples en difficulté vers une prise de conscience et la mise en place d’interactions assainies.
Pour aller plus loin deux ouvrages sur la violence verbale et psychologique :
https://www.mollat.com/livres/2354565/amelie-cordonnier-trancher