Vulnérabilité entre humanité et force assumée

La vulnérabilité décrit le caractère de quelque chose de fragile, de précaire ou de faible.

Au sens du code pénal, (art 434-3 code pénal https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037289453/), la vulnérabilité renvoie à l’incapacité d’une personne à «se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique, psychique ou d’un état de grossesse».

Etymologiquement vulnus signifie blessure, ce qui là encore souligne le caractère accidentel, spécifique, atypique, un changement d’état faisant passer la personne ou l’objet d’une situation normale ou souhaitable à un autre, dégradée ou moins enviable.

Pourtant la vulnérabilité n’est pas qu’un défaut ou une limite. Elle peut être appréhendée comme une caractéristique relative et partielle, voire même comme une caractéristique de notre humanité. Et si au final la vulnérabilité n’était pas tout simplement une qualité native de l’être humain, naturelle, l’on pourrait même dire « normale », au sens de courant, voire même peut être une force assumée ?

La vulnérabilité, une idée refoulée

Dans la pensée courante, la vulnérabilité est considérée comme un état durable, caractéristique de la personne et le plus souvent associée, voire confondue, avec la fragilité. Cet état peut développer un sentiment de honte chez le sujet et active chez l’autre qui le regarde un jugement de mépris.

Car en effet, nos images culturelles et sociales valorisent le pouvoir, la force voire l’invincibilité (il n’est que de se référer aux Supers Héros auxquels s’identifient les plus jeunes. Et pas seulement eux d’ailleurs ! …). L’éducation a d’ailleurs longtemps renforcé cet impératif de force et de résistance. Se forger un caractère, ne pas pleurer, ne pas exprimer ses émotions ont longtemps été des exigences éducatives collectivement partagées. Obligeant le sujet à refouler, à rejeter ses émotions, ses difficultés ou souffrances pour montrer un visage, une apparence conformes.

Le surmoi est cette instance où se logent ces impératifs de force, de résistance, de compétence, d’infaillibilité jusqu’à la notion de perfection, voire d’idéal. Au delà du risque de développer un faux-self, à force de maquillage et d’adaptation à l’exigence de l’environnement, existe un risque existentiel fâcheux : celui d’une toute puissance narcissique … qui se révèle un jour ou l’autre fragile, car illusoire et défensive.

La vulnérabilité comme normalité

Il serait alors plus qu’utile de relativiser la notion de vulnérabilité pour nous autoriser à en appréhender la normalité. Il est en effet possible d’envisager la vulnérabilité comme un état relatif et non comme une caractéristique spécifique et stable de tel ou tel individu. Car la vulnérabilité est avant tout une dynamique et une interaction entre la personne et son environnement. L’environnement est un espace des possibles qui détermine l’attitude, l’adaptation du sujet ou les limites de cette adaptation. L’environnement est par définition spécifique, subjectif et contingent.

La notion de vulnérabilité sera donc, comme toute notion psychique, relative. Plutôt que d’une vulnérabilité attribut d’un sujet, il serait donc préférable de parler d’une situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve engagé le sujet.

Vulnérables, nous le sommes tous, parce que chacun se constitue dans le rapport à son environnement et à autrui. La question qui se pose alors est celle du degré d’autonomie et de liberté face à cet environnement et aux normes qu’il impose. La vulnérabilité est notre fonds commun d’humanité et c’est seulement à partir de la reconnaissance de notre vulnérabilité individuelle et collective que nous pouvons vivre notre humanité au sens de limitation et de finitude … bien loin de l’illusion de toute puissance.

La vulnérabilité comme force

Alors, à partir de cette acceptation de nos limites, peut se bâtir, se construire un force nouvelle, qui n’est plus résignation ou honte mais une capacité retrouvée.

S’autoriser à être vulnérable est un cheminement personnel parfois difficile, douloureux, un véritable acte de courage. Camille Sfez, psychologue et animatrice de cercles de femmes, a fort habilement décrit ce parcours personnel et collectif dans son ouvrage Vulnérables paru en 2021 chez Leduc (https://www.mollat.com/livres/2547866/camille-sfez-vulnerable-s-emerveiller-d-une-sensibilite-retrouvee).

Celui qui reconnait et s’autorise à montrer ce qu’il ressent, à assumer ses erreurs et ses blessures est courageux. Ce courage ouvre la porte alors à une admiration et à une force nouvelles.

Une inversion des valeurs est à l’œuvre depuis quelques années où la connexion aux émotions, à la sensibilité, à l’empathie sont davantage acceptées voire recherchées et valorisées.

Cette évolution de nos sociétés est heureuse mais les traces inconscientes et surmoïques restent actives … un travail thérapeutique peut aider à prendre conscience de ces freins et à les dépasser.

Comme l’affirmait K. G. Jung, l’être humain est fait d’ombre et de lumière et l’acceptation de ces polarités nous rend plus forts et peut être plus apaisés.