Pervers narcissique, narcissique non pervers et narcissisme

Pervers narcissique, narcissique non pervers et narcissisme, ces trois notions sont largement utilisées, vulgarisées et sont entrées dans le langage courant.
Mais il s’avère qu’elles sont parfois confondues jusqu’au contresens, puisque la notion même de narcissisme est devenue synonyme de défaut ou d’anomalie.
Tentons de revenir sur ces notions et de les différencier, en allant du normal au plus pathologique.

Le narcissisme « normal »
Fabrice Midal reprend dans son ouvrage « Sauvez votre peau, devenez narcissique » l’origine du mythe de Narcisse. Il tente, avec succès, de démontrer l’importance de cette notion dans la construction du sujet et de rétablir la valeur positive de cette notion.
Car en effet, le narcissisme renvoie à une notion psychanalytique fondamentale, qui décrit un processus essentiel de construction psychique. Le nourrisson, après une phase fusionnelle et autocentrée, développe des compétences relationnelles grâce aux interactions avec son entourage.
Si ces interactions sont suffisamment bonnes et gratifiantes, il en retire une satisfaction qui vient nourrir son estime de lui-même. Il constitue dans ces échanges ce que l’on appelle son narcissisme.
Grâce à cette construction, une forme de sécurité intérieure se construit qui lui permet de résister ensuite aux expériences désagréables ou dévalorisantes éventuelles. Celles-ci auront peu d’effet et glisseront sur un socle narcissique déjà bien établi.

Le narcissisme pathologique


En revanche, dans l’hypothèse où cette base narcissique se serait moins bien constituée ou aurait été fortement attaquée par un traumatisme ou des expériences négatives répétées, le sujet peut ressentir des attaques violentes à l’estime de lui-même.
Il va donc chercher à construire ou à reconstituer cette base narcissique par un processus de régression qui le conduit à se recentrer sur lui même et à tenter une forme d’auto-suffisance.
Chez le petit, s’il souffre d’une carence relationnelle, cela peut prendre la forme d’un repli sur soi et/ou d’une tentative de revendication de toute puissance. Cette défense repose, plus tard, sur un égocentrisme affirmé.
Ces personnalités sont difficiles à vivre pour leurs proches car elles ont besoin, pour exister, de s’affirmer de manière ostentatoire, voire même de nier la présence, l’existence de l’autre. Ce processus est un processus défensif destiné à combler une carence antérieure. Elle n’est pas dirigée contre l’autre de manière ciblée mais nécessaire, vitale pour le sujet dit narcissique.
L’autre, dans la relation, ne sert que de miroir, destiné à renvoyer une image positive de soi- même, dans un processus réflexif, auto-centré.
On comprend alors que ce processus défensif vient masquer un manque de confiance en soi et révèle donc une personnalité bien plus fragile et moins volontairement agressive qu’il n’y parait au premier abord.

Le pervers narcissique

Le pervers narcissique, lui, a tout a fait conscience de l’autre mais il estime ne rien devoir à personne, il ne remercie pas, n’a pas d’empathie. Plus encore, il est agressif, destructeur, voire violent.
Si la perversion narcissique passe par une séduction narcissique, une survalorisation de soi, une érotisation du système défensif, elle se double d’une jouissance dans la déroute des objets utilisés, manipulés pourrait-on dire.
Ce sont principalement les sentiments d’humiliation et de rage qui sont éprouvés par le pervers narcissique.

Dans son ouvrage « les perversions narcissiques », Paul Claude Racamier, explique que l’agressivité du pervers narcissique permet la décharge de la colère qu’il a cumulée et qui trouve son origine dans l’illusion de remplacer, auprès de la mère, le père évincé. Cette tentative passe par la disqualification du père, puis celle de l’autre en général. Le processus de constitution du surmoi n’aboutit pas, la censure n’est pas installée.
La perversion narcissique est une défense contre un processus psychique de deuil, celui de l’acceptation de la frustration. Le but est d’éviter toute souffrance personnelle. Celle-ci se voit donc expulsée et projetée sur autrui.

On voit bien, au travers de ces trois notions, que les formes autant que les origines sont différentes et marquent bien une progression du normal, au pathologique jusqu’au toxique.
Il est important de bien différencier, notamment dans le cadre d’une thérapie, ces caractéristiques et donc les possibilités d’évolution des personnes impliquées autant que les attitudes, possibles, pertinentes ou adaptées de leurs protagonistes.

https://www.mollat.com/livres/2160980/fabrice-midal-sauvez-votre-peau-devenez-narcissique
https://www.mollat.com/livres/466178/paul-claude-racamier-les-perversions-narcissiques