L’adulte aidant … le risque du trop

Comment peut on passer d’une attitude chaleureuse, soutenante, attentive aux autres à l’épuisement psychique et parfois même à la dépression ?

Il est bien normal d’aimer ses proches et de vouloir les soutenir. Il n’est pas pathologique de s’orienter vers un métier orienté vers le soutien et l’aide.

Mais lorsque un adulte développe un mode de fonctionnement essentiellement ou exclusivement basé sur un mécanisme de soin, de soutien à l’autre de manière répétitive, lourde, excessive et au final non satisfaisante, il est nécessaire de se poser quelques questions.

Jusqu’où va cette habitude, ce mode de fonctionnement ? En quoi est-il un problème ?

D’où me vient ce besoin de soutenir et d’aider l’autre ?

Comment déconstruire cette dynamique et la culpabilité sous jacente ?

Entre bien et trop

Le point d’alerte est bien entendu le confort de la personne. Lorsque le plaisir et la satisfaction deviennent absents dans la relation à l’autre et/ou que celle-ci entraîne douleur, tristesse ou fatigue excessive, c’est le signal d’une souffrance qui s’installe.

Une situation de couple difficile, une situation professionnelle douloureuse, un effondrement devant la rudesse de l’adolescence de son enfant, son départ du nid familial … sont autant de situations qui peuvent amener à une déstabilisation importante, qui si elle ne passe pas ou n’arrive pas à être gérée va entraîner une souffrance chronique.

Un autre aspect complémentaire est le critère de répétition.

Cette façon d’inter-agir avec les autres devient aliénante si elle devient l’unique mode relationnel et si elle conditionne le sentiment de se sentir aimé : « Je ne suis aimée que si je suis dévoué aux autres. Si je vais mal, si je demande pour moi, si je prends soin de moi, je ne serai plus aimé ».

Les choix amoureux peuvent être révélateurs de ce mécanisme : un personne qui choisira ou sera attirée systématiquement par un partenaire malheureux, en difficulté, ayant besoin d’être soutenu, materné. Une autre pourra avoir pour habitude de rencontrer des partenaires qui la placeront systématiquement en position d’autorité, de référence presque paternelle.

Lorsque la personne se place instinctivement, mécaniquement en position de sauveur, elle active un schéma de réparation, qui trouve bien souvent son origine dans son enfance.

Le poids de l’enfance

Ce type de comportement peut prendre ses racines dans les interactions précoces qu’elle a pu développer dans son enfance. On retrouve bien souvent la présence dans son entourage d’une personne défaillante ou faible (dépression, handicap, maladie …), dont il a fallu prendre soin, aider, soutenir pour qu’elle ne s’écroule pas.

Le problème réside dans le fait que l’enfant qu’il était, bien que naturellement porté vers ce soutien pour continuer à percevoir de l’amour ou de la protection, n’en avait ni la maturité ni la force. Porter et soutenir psychiquement un adulte était une tache bien trop lourde pour lui, mais il n’en avait pas conscience. Il s’est retrouvé alors en sentiment d’échec permanent qu’il va tenter en tant qu’adulte de réparer, compenser en prenant soin des autres, reproduisant dans son quotidien un schéma hérité du passé.

Ce mécanisme le pousse à rechercher des partenaires émettant implicitement ce type de demande de protection ou de soutien. Lorsque le partenaire souffre lui même d’un besoin de réassurance illimitée, sans possibilité de comblement, s’organise alors une relation fondamentalement déséquilibrée, épuisante et potentiellement engloutissante.

Comment rompre le cercle vicieux ?

Il n’est évidemment pas facile pour une personne organisée depuis des années sur ce type de schéma toxique. Une prise en charge psychothérapeutique peut s’avérer nécessaire.

La première étape consiste à prendre conscience de ce mécanisme et en retrouver les origines.

La possibilité de rompre avec ces schémas est néanmoins difficile car la personne a la conviction profonde qu’ils font partie intrinsèque de leur personnalité, de leur identité et qu’ils effondreront si elle les abandonne.

Un travail sur la notion de culpabilité devra venir compléter ce travail afin d’éradiquer ce mécanisme profondément installé et si puissant.

L’échange avec le thérapeute et l’expérience progressive de nouvelles modalités interaction pourront permettre de dépasser ce stade et de trouver une forme de liberté plus épanouissante.