Elever un enfant seul(e)

La famille traditionnelle (un père, une mère et un ou des enfants) n’est plus l’unique modèle puisque environ 2 familles sur 10 se déclarent monoparentales, ce qui représentait il y a 10 ans déjà 1 760 000 familles (chiffres issus du recensement 2005) et 2,8 millions d’enfants.

Devant cette augmentation, la question de savoir comment un enfant élevé par un seul parent grandit sur le plan psychique se pose de manière renouvelée : la psychanalyse apporte des réponses à cette interrogation et des chercheurs britanniques ont récemment mené une enquête instructive.

Il est également pertinent de se demander quelles sont les difficultés auxquelles ces parents sont confrontés.

L’enfant en famille monoparentale se développe-t-il comme les autres ?

Certains pensent que la présence combinée d’un père et d’une mère sont indispensables au bon développement psychique d’un enfant.

Dans un entretien diffusé sur le site yapaka.be, Pierre Delion, psychiatre et psychanalyste, expose avec clarté l’idée selon laquelle l’enjeu est que les deux fonctions, maternelle et paternelle, soient assumées. Ces deux fonctions peuvent être cumulées par le parent qui assume l’éducation de son enfant, en assurant à la fois le rôle de maternage et d’étayage dénommé « fonction maternelle » d’une part, et le rôle de limitation, de séparation propre à la fonction dite « paternelle », d’autre part. Ceci suppose un excercice de prise de distance et de vigilance mais cette double fonction est tout à fait bien assumée par de nombreux parents et alors facilement assimilée par l’enfant, sans manque ni difficulté de développement.

Récemment, devant l’augmentation des procréations médicalement assistées, des chercheurs du Centre de Recherche sur la Famille de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, se sont penchés sur cette question pour essayer de savoir comment se structurent et se pensent les enfants élevés au sein d’une famille monoparentale.

Les résultats de cette étude montrent que ce qui se passe dans la tête d’un enfant élevé dans un foyer avec deux parents n’est pas différent pour un enfant issu de famille monoparentale. Selon la chercheuse et docteur Sophie Zadeh, ces enfants semblent être bien adaptés et expriment des sentiments positifs sur la vie de famille. L’aspect déterminant étant la qualité de l’éducation et les bonnes relations entre mère et enfant.

Ces enfants se sont questionnés ou se questionnennent fréquemment sur l’absence de leur père, en exprimant majoritairement des sentiments neutres ou mixtes à ce propos.

Concernant la scolarité, l’enquête démontrerait qu’il n’y a pas ou peu de stigmatisation à lécole et que le plaisir d’aller à l’école est élevé pour ces enfants (59%).

Si l’étude n’a révélé aucune différence en termes d’adaptation de l’enfant entre les deux types de famille, confortant ainsi la position du pédosychiatre et psychanalyste Pierre Delion, en revanche il semblerait que les familles monoparentales soient plus exposées aux difficultés financières et au stress parental.

Des critères de fragilité objectifs liés à la famille monoparentale

En effet, ce sont majoritairement des femmes qui élèvent leur enfant seule, ce qui a souvent des conséquences sur le plan économique et matériel.

Car bien qu’elles puissent parfois obtenir une pension alimentaire et les prestations sociales destinées aux familles monoparentales, leurs revenus sont généralement plus faibles, que celui des couples.

Ceci est souvent associé à une précarité en matière de logement, à un temps de travail accaparant et à des difficultés de garde.

Ces éléments peuvent contribuer à élever le niveau de stress parental auquel l’enfant est soumis.

Il en est de même sur la question des circonstances et du contexte de la séparation.

La question des éventuelles tensions avec le père de l’enfant, quand il reste présent dans l’environnement de l’enfant, est un autre critère impactant son épanouissement.

Car si l’étude britannique comporte un intérêt certain, elle a été réalisée auprès de familles dont la structure familliale résulte d’un décision volontaire et assumée. Or de nombreuses situations de monoparentalité sont la conséquence d’une rupture plus ou moins douloureuse et mal vécue, ce qui a une véritable influence sur la façon dont le parent en charge de l’enfant va se sentir et interagir avec son enfant.

Le parent seul peut également être assailli par des doutes relatifs à sa qualité de « bon parent », sans trouver dans la relation de couple ou dans son entourage proche le réconfort ou le retour rassurant sur cette question.

Ces parents peuvent alors ponctuellement éprouver le besoin de se faire accompagner sur le plan psychologique, par un psychologue, un psychanalyste ou un thérapeute familial, pour renforcer leur confiance en eux, apprendre à accepter la situation et à la vivre plus sereinement. Ceci aidera en cascade l’enfant à ressentir une plus grande sécurité émotionnelle.

En conclusion, élever un enfant seul n’est donc pas en soi un handicap pour l’enfant mais peut, si l’entourage n’est pas suffisamment soutenant et si le parent ressent difficilement la situation, devenir un facteur de stress qu’il faut pouvoir accompagner pour le bien de l’enfant autant que pour celui du parent, qui doit apprendre ou réapprendre à prendre soin aussi de lui-même.

Référence de l’étude du Centre de Recherche sur la Famille de l’Université de Cambridge : http://www.eurekalert.org/pub_releases/2016-07/esoh-cgu062916.php

Eléments INSEE sur familles monoparentales : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1195

Interview Pierre Delion, psychiatre et psychanalyste (19/11/2013) : http://www.yapaka.be/video/quand-la-mere-se-retrouve-seule-a-elever-son-enfant

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